La bière de microbrasserie est passée à un stade avancé de son évolution sociale. Jadis le remontant facile et bas prix après un déménagement ou une partie de hockey, la bière possède aujourd’hui un champ lexical aussi vaste et complexe que le vin. Il peut être difficile de s’y retrouver dans cet univers. C’est pourquoi les boutiques spécialisées se munissent de conseillers spécialistes. Ils sont le lien entre un consommateur néophyte ou même amateur et une offre brassicole étourdissante, mais toujours intéressante.
Vous est-il déjà arrivé de demander conseil à un spécialiste, mais de ne pas avoir les mots ou les exemples pour faire comprendre votre requête? « J’aime quand ça goûte les agrumes ». Parfait, un peu générique, mais on peut vous aider à trouver une bière à votre goût. « J’aime ça quand ça goûte fort ! ». Fort? En alcool? En goût? En amertume? Ces questions sont pertinentes, mais souvent pas assez précises pour trouver une bière exactement à votre goût. Alors voici un bref guide qui vous aidera à mieux comprendre vos appréciations et mieux identifier vos préférences. Éventuellement, votre recherche de nouveautés sera plus aisée que jamais!
Nous utiliserons la prémisse bien connue des couleurs pour vous aider à distinguer les différentes saveurs et comment les retrouver par la suite.
Vous êtes un habitué des bières blanches? Plus jeunes, vous buviez de la 1664 ou de la Blanche de Chambly et aujourd’hui, vous aimeriez trouver des bières du même style, mais dans le rayon artisanal? Voici ce que vous devez savoir.
Dans le cas des deux exemples mentionnés, les gens vont souvent aimer la douceur, la faible amertume et de fortes notes d’agrumes. Il s’agit souvent d’une introduction aux bières parfumées. Ces saveurs fruitées sont provoquées par une forte proportion de blé qui amène une certaine acidité que l’on peut associer aux agrumes. Un zeste de citron, un quartier d’orange sur le bord de la pinte ; cela va de soi. On dénote souvent aussi des saveurs épicées, un goût rappelant la coriandre, le poivre noir. C’est la levure belge d’une Witbier qui en est responsable.
Maintenant qu’on en est au courant, comment savoir si la bière que je reluque depuis 15 minutes chez mon détaillant va convenir à ma palette? Évidemment, tout ce qui s’appelle Witbier devrait être à votre goût. Parfois, les bières qui se présentent sous le titre « Bière de blé » pourraient répondre à vos attentes, mais faites attention ! C’est aussi une base souvent utilisée pour créer des bières sures. Si l’acidité d’une bière blanche vous entiche, alors ces bières sont pour vous également.
Si c’est au contraire le goût plus épicé qui vous attire, et bien sachez qu’un marché existe pour vous aussi. De plus en plus de bières rappelant les saveurs herbacées et épicées du gin sont présentes sur les tablettes. Des bières de seigle peuvent également vous satisfaire, conférant souvent corps et goût poivré à une bière. Sinon, suivez la voie des bières belges. Une levure belge, que ce soit sur un malt pâle, caramélisé ou même torréfié, va toujours apporter une touche épicée à une œuvre. Des saveurs de limonade poivrée dans une blanche, une impression de pain d’épices pour les bières brunes ou même des saveurs de toasts brûlées pour une bière noire. Notez que les levures Saison peuvent également vous convenir, parfois même plus étant donné le profil phénolique très épicé de celle-ci.
Vous provenez du milieu de la « grosse bière » commerciale? Vous êtes habitués aux bières blondes et n’êtes pas encore certains de vouloir sauter dans les bières trop funky? Les bières blondes sont votre terrain de jeu.
Des Pilsner, des Kolsch, des Pale Ale anglaises, des Helles, des lagers américaines, plusieurs variantes de bières blondes qui ont leur lot de distinctions, mais qui rassemblent ces qualités : efficacité, buvabilité, légèreté. Souvent moins amères que la majorité des autres styles de bières, on a tendance à se diriger vers les bières blondes quand on ne sait pas trop où se lancer. Ces bières vont souvent mettre de l’avant des saveurs de céréales, de fleurs, de mie de pain ou de miel. On se le dit, mais ces saveurs sont très subtiles. Pour le commun des mortels, ces bières vont goûter « la bière ». Dès que vous voyez les styles mentionnés en début de paragraphe, sautez là-dessus, ça devrait vous convenir. Sinon, les quelques percées curieuses dans les autres styles qui pourraient vous convenir seraient ; les Saison (si pas trop phénoliques), les blanches (si pas trop fruitées) ou même les bières de miel. Il y en a beaucoup moins, j’en conviens. Mais ce qui s’appelle Braggot pourrait présenter des similitudes avec une Kolsch par exemple, par une amertume quasi inexistante et une longueur florale et mielleuse. C’est doux, c’est facile, c’est satisfaisant.
Et si un amateur de bières blondes veut quelque chose de plus coriace, plus costaud, qu’est-ce que le marché a à lui offrir? Les triples belges sont une super alternative. Souvent à 7% d’alcool en montant, ces bières sont plus rondes, plus goûteuses et avec plus de longueur en bouche. Ces triples présenteront souvent des profils plus épicés à cause de la levure belge, mais avec le corps d’une triple, c’est un match qui se fait plutôt bien.
Nous avons parlé de bières pâles et légères, maintenant, parlons de bières plus foncées. Des rousses, si abondantes sur le marché québécois, mais tellement sous-médiatisées. Vous aimez le goût caramélisé, le sucre résiduel plus généreux, ou le corps plus expressif? Une rousse d’inspiration allemande (Altbier) est pour vous. Vous aimez l’amertume ou les notes herbacées du houblon dans une bière qui présente des saveurs plus gourmandes? Une Bitter va de soi. Au contraire, on est moins habitué aux bières plus généreuses, mais on aimerait essayer autre chose qu’une bière blonde? Les rousses irlandaises et les mild anglaises pourraient fort bien vous satisfaire. Souvent plus minces, moins amères et plus florales, elles auront certaines saveurs ainsi que l’accessibilité d’une bière blonde.
Si dans les rousses, les saveurs intenses et plus sucrées vous plaisent, vous pourriez être tentés de jeter un coup d’œil aux bières brunes, voire noires. Ces familles sont plutôt larges et dans le même spectre, nous pouvons trouver plusieurs interprétations assez différentes les unes des autres.
Dans les brunes, une Brown ale anglaise vous charmera par ses notes de caramel, de pain rôti, parfois par le goût floral et terreux, un peu à la manière d’une rousse. Une Brown ale américaine, plus rare au Québec, s’offrira plus légère en alcool, avec une finale plus sèche, plus houblonnée, qui évoquera des saveurs de noisettes et de gazon frais coupé.
Si on retourne dans l’univers des bières belges, les Dubbel et Quadrupel ont de quoi en charmer plusieurs. Juxtaposition de levure belge épicée et de malt caramel plus rond et sucré, il en résulte souvent une impression de pain d’épices, de gâteau de Noël, de biscuits, de butterscotch.
Dans l’imaginaire anglais, une brune peut certainement s’appeler Scotch Ale, avec des saveurs très axées sur le caramel et l’érable, souvent avec un sucre résiduel beaucoup au-dessus de la moyenne. Bière de feu de camp qu’on appelle. Les Anglais parlent beaucoup aussi de vins d’orge. Proches cousins de la Scotch Ale, mais avec beaucoup plus de houblons, donc plus amers. Ces styles de bières sont aussi reconnus pour se bonifier merveilleusement après un passage en barrique. Alors si vous êtes un amateur de whiskey, de rhum ou de Scotch, ces grands crus pourraient vous combler.
Vous en avez appris un peu ? Vous comprenez un peu mieux certains de vos goûts ? Restez à l’affût de la deuxième partie de cet article où on parlera de bières noires.